Avec
un grand-père grec originaire de Thessalonique, Nicolas Sarkozy avait
tout pour trouver sa place dans le cœur des habitants de ma ville
d’accueil et plus largement dans celui des Grecs dans leur ensemble. Et
cela avait à vrai dire bien commencé; ils l’ont aimé. Il représentait le
self-made man issu d’une famille d’immigrés appartenant à la classe
moyenne, la face sympathique du couple franco-allemand (Merkozy).
Mais Nicolas Sarkozy a déçu nombre de
Grecs. En raison de sa façon de traiter et de s’adresser au peuple
hellène (nombreux sont ceux à s’être senti offensés par certaines de ses
paroles), ses décisions économiques et sociales, sa façon de s’effacer
face à l’Allemagne au nom d’une prétendue alliance.
Par dessus tout,
solidaire de la BCE et du FMI, Nicolas Sarkozy est vu comme celui qui a
imposé avec Angela Merkel, au nom de l’Union Européenne, les mesures
d'austérité aux pays du sud et notamment de la Grèce. Mesures jugées
injustes, mal employées et mal adaptées à la situation grecque. « Sarkozy n'est pas un leader, s'il l'était, il ne se fierait pas uniquement aux marchés ou à la volonté d'Angela Merkel »
estime Christos Frangonikolopoulos, professeur spécialisé dans les
relations internationales et les médias à l’université Aristote.
À l’inverse du célèbre président, nombreux sont les grecs qui
connaissent mal François Hollande. Obnubilés par la crise qui touche
leur pays, les medias omettent souvent de parler du reste du monde. Sans
compter que leur appréhension de la présidentielle française se limite
généralement aux deux principaux candidats, Nicolas Sarkozy et François
Hollande, parfois ils évoquent aussi Marine Le Pen. Pour réellement
suivre les élections présidentielles depuis la Grèce, il faut chercher
d’autres sources d’information et il est préférable de parler l’anglais
ou le français. Cela restreint donc l’étendue du public. Ceux qui ont
plus d’informations sont plus rares. Pour mieux comprendre l’opinion
grecque et les enjeux de cette élection pour le pays, je suis allée
faire un tour du côté des intellectuels.
Quelles sont les attentes du peuple hellène vis-à-vis de cette élection présidentielle qu’il regarde de loin ? « La majorité des Grecs soutiennent le candidat PS car il représente un espoir de changement en Europe » me répond-on. François Hollande, le nouveau Messie de l’Union Européenne ?!
Un effet sur la zone euro toute entière
Cette élection ne concerne pas seulement
la France, elle pourrait avoir une influence sur la politique menée au
sein de la zone Euro toute entière. Les Grecs avec lesquels j’ai parlé
me font part de leur approbation à l’idée de l’éventuelle élection d’un
nouveau politicien qui symboliserait une alternative à la politique
économique menée actuellement dans les pays de la zone euro : celle de
l’austérité. Eugenia Siapera, maîtresse de conférences en journalisme et
nouveaux médias estime que « si Hollande arrive au pouvoir, cela
pourrait montrer aux autres pays de l'Europe qu'il est possible
d'envisager une autre solution à la crise que la coupe des dépenses de
l’Etat - donc des salaires, des pensions, de l’éducation, de la santé
etc. Après tout, la réduction du pouvoir d’achat, des particuliers comme
des professionnels, ainsi que du niveau de vie n’a jamais encouragé la
croissance… ».
Mes interlocuteurs semblent attendre du candidat socialiste qu’il fasse preuve de plus de modération, qu'il incarne l'opposition face à une Allemagne
qui deviendrait trop imposante, trop omniprésente au sein de l’Union
Européenne. En effet, un recul de la France vis-à-vis de la politique
économique actuelle placerait l’Allemagne en position délicate, isolée,
dans l’impossibilité de dicter d’avantage une conduite aux autres pays
de la zone euro. En attendant le résultat du scrutin, les Grecs
spéculent. L’élection de François Hollande pourrait peut-être entraîner
la renégociation de certains traités.
Une fin de l’union franco-allemande pourrait signer le début d’une
alliance des pays du sud qui n’approuvent pas les mesures économiques
prises au sein de l'Europe.
« Mais ce n’est pas parce que
François Hollande deviendrait président de la France que les Grecs
doivent espérer retourner au temps précédant la crise. Des changements
doivent être faits dans ce pays, notamment au niveau du service public
», avertit Christos Frangonikolopoulos.
Evidemment les choses ne sont pas si
simples et nombre de Grecs restent sceptiques quant à l’impact au niveau
européen que générerait l’arrivé au pouvoir de François Hollande en
France. « Le problème de l’Europe ne se résoudra pas juste en
changeant les personnalités dirigeantes mais en faisant évoluer les
structures. Aujourd’hui, nous n’avons pas élu ceux qui gouvernent
l’Europe… », affirme Alexandros Baltzis, maître de conférence en
sociologie des Arts et de la Communication de Masse à l’université
Aristote.
Précisons tout de même que dans la rue,
les avis sont plus partagés. Les opposants à François Hollande voient en
lui un confrère de George Papandreou, membre du Pasok, le parti
social-démocrate grec qui a été au pouvoir durant de nombreuses années
et que les Grecs considèrent en partie responsable de leur situation de
crise actuelle. Ceux qui se sentent plus proches du président-candidat
sont persuadés que la France a besoin de Nicolas Sarkozy au niveau
européen, notamment en raison de sa relation avec la chancelière
allemande. D’autres sont attirés par Marine Le Pen qui laisse planer
l’idée d’un démantèlement de la zone Euro. Mais le 6 mai, ce sera pour élire leurs propres réprésentants au Parlement que les Grecs se rendront aux urnes.
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